Dans l’article précédent, nous avons évoqué la question du jeûne de manière générale : pourquoi jeûner ? quels sont les différents types de jeûne ? qui peut jeûner ? quand jeûner ? jeûner chez soi ou dans un centre ? seul ou accompagné ?
Dans ce nouvel article, j’ai envie de partager autour de la question suivante :
qu’est-ce qu’un jeûne réussi ?

Une aventure personnelle
Dans le premier article sur le jeûne, j’évoquais l’hormèse, cette contrainte physiologique adaptée qui permet de renforcer les capacités adaptatives de l’organisme. Un jeûne réussi repose sur le subtil ajustement de cette contrainte, en termes d’intensité et de durée, aux ressources disponibles, c’est pourquoi l’individualisation des modalités du jeûne me paraît être une clé majeure.
L’évaluation de ces ressources se fait idéalement en amont. L’approche naturopathique porte son attention spécifiquement sur le niveau de vitalité, la fonctionnalité des organes d’élimination, en particulier le foie et les reins (statut émonctoriel), l’état du système nerveux et la minéralité (ou la présence éventuelle de carences ou subcarences). Tous ces paramètres fluctuent d’un individu à l’autre et, pour un même individu de manière dynamique au fil du temps. Plus les modalités du jeûne s’ajusteront à ce caractère individuel fluctuant, plus le jeûne sera bénéfique.

Un choix
Jeûner est aussi un choix et le désir de jeûner émerge d’un espace intérieur et profond indépendant de la nécessité physiologique comme de la réflexion cognitive. D’où vient cet élan à sortir du connu pour se confronter à de possibles inconforts ?
Le choix de jeûner peut s’apparenter à une quête. Se découvrir de nouvelles ressources, s’affranchir des limites de son pré carré pour ouvrir un peu plus grand son univers et explorer de nouveaux possibles, même lorsqu'il s'agit simplement de transformer sa relation à l’alimentation, ou d'assainir son corps, tant les racines de nos comportements peuvent être profondes et intriquées.
Le choix de jeûner coïncide avec un élan de transformation, qu’il soit spécifiquement orienté vers la réalité du corps ou qu’il porte sur des dimensions de l’être plus subtiles (réalité psycho-émotionnelle, spiritualité).
Et quelle que soit l’aspiration, la réussite du jeûne est intimement liée à ce choix et à ce qui y a présidé. C’est pourquoi c’est une question que j’aborde systématiquement lorsque j’accompagne des jeûneurs.
La capacité à lâcher-prise
L’étude de la physiologie nous le montre sans équivoque : l’adaptation du corps à la privation de nourriture est orchestrée par le système nerveux autonome et, passées les premières heures où l’organisme fait face à un stress, c’est la branche parasympathique qui est à l’œuvre, celle qui régit les fonctions de repos, de récupération, de régénération. Autrement dit, plus vous favoriserez la détente et le repos, plus vous cultiverez la « zen attitude », mieux se passera votre jeûne.
Changer de rythme, sortir du cadre du quotidien et de ses multiples sollicitations est une sérieuse condition au lâcher-prise. Privilégier en environnement confortable accompagnera favorablement aussi vers la détente.
Le rôle de l’équipe encadrante est fondamental à ce niveau : c’est elle qui instaure le cadre professionnel et sécurisé à l’intérieur duquel le jeûneur peut se laisser aller sans retenue.
Et toutes les pratiques qui vont favoriser la détente, la relaxation, le lâcher-prise vont soutenir la physiologie du jeûne : espace bien-être avec sauna, hammam, massages etc.

La préparation
L’expérience acquise pendant plus de 10 années d’accompagnement de jeûne indique clairement que, à l’exception de quelques personnes survitales, une préparation soigneuse facilite l’adaptation physiologique et la rend plus confortable.
La préparation au jeûne peut commencer bien en amont du jeûne par la mise en place d’une hygiène de vie saine : réglage alimentaire, activité physique, équilibre neuropsychique.
La phase de descente alimentaire à proprement parler propose, par étapes successives, de réduire la plage alimentaire de manière à opérer une transition douce vers le jeûne et d’accompagner la mise au repos des fonctions digestives. Elle s’accompagne idéalement d’une stimulation des fonctions d’élimination qui seront ainsi disponibles pour assumer la détox que le jeûne occasionne.
Là encore, c’est l’individualisation qui prime quant à la durée et aux modalités précises de la préparation.

La reprise alimentaire
De la même manière que pour l’entrée en jeûne, la transition de sortie de jeûne nécessite d’être soigneusement menée. Les dernières études confirment qu’une reprise alimentaire non adaptée peut réellement annuler les bénéfices du jeûne.
La reprise alimentaire se conçoit à l’inverse de la descente, par la réintroduction successive des différentes catégories d’aliments. Elle s’accompagne possiblement d’un soutien aux fonctions d’élimination, ce qui permet de prolonger encore un peu la détox. Elle intègre un retour progressif au rythme et aux sollicitations du quotidien en préservant autant que faire se peut les pratiques (corporelles, respiratoire, bien-être) de détente, de connexion à la nature et le temps pour soi.
La phase de reprise alimentaire est un moment privilégié pour poser des bases nouvelles à ses habitudes de vie et permettre aux bénéfices du jeûne de se perpétuer dans la durée.
Une journée type
La structure d’une journée de jeûne va idéalement soutenir les conditions d’un jeûne réussi. Voilà comment je l’envisage :
- Le suivi individuel
La journée commence par un entretien individuel qui permet de faire le point, chaque jour, sur ce que vit la personne afin d’ajuster les modalités du jeûne et de l’accompagnement en temps réel. C’est le moment de faire un point sur l’état physique général, les éventuels désagréments, le ressenti de la personne et de proposer quelques ressources spécifiques, le cas échéant.
- L’éveil corporel
Mettre le corps en mouvement et en douceur, chaque matin, soutient la vitalité, relance la circulation restée au ralenti pendant la nuit, ce qui favorise l’élimination des toxines relarguées pendant le repos nocturne, réveille l’énergie et prépare à la suite de la journée.
Combien de fois ai-je constaté l’évolution radicale de l’état et du ressenti des jeûneurs, après la séance d’éveil corporel !
- La randonnée
Ce temps de marche tranquille en nature est tout à la fois un soutien à la physiologie de la détox, mobilisant par le mouvement le souffle, la circulation, et favorisant l’élimination des toxines, et aussi un temps de vitalisation et de régulation profonde de l’être. Le contact à la nature nourrit d’un point de vue sensoriel et énergétique, il ressource et harmonise plusieurs de nos fonctions majeures (cardiaque et nerveuse en particulier), d’autant plus que l’état de jeûne exacerbe la réceptivité, avec notamment des fonctions sensorielles aiguisées.
- Le temps pour soi
C’est l’une des caractéristiques les plus précieuses d’un jeûne, selon moi : s’offrir du temps pour soi ! Temps de rien, temps de soin, temps de créativité, temps méditatif… Jeûner invite à l’intériorisation, à l’écoute, à la présence et ce temps offert, chaque jour, loin de la distraction, loin du divertissement, constitue un des plus puissants espaces de ressourcement qui soit.
- Le partage du bouillon
C’est le temps de convivialité du jeûne, le moment où le groupe peut se retrouver pour partager, échanger, témoigner. Souvent joyeux, ce moment est aussi l’occasion d’apporter à son corps quelques précieux minéraux et de goûter d’autres saveurs que l’eau et les tisanes de la journée.
- La transmission d’informations
Les temps de partage de connaissances, sans être indispensables, sont à mon avis une véritable contribution au cours d’un jeûne. Ils permettent d’expliciter le vécu au fil de la semaine, d’ouvrir des perspectives en termes de choix de vie et de santé, de découvrir de nouvelles ressources directement disponibles et de donner l’opportunité à chacun, à son niveau, d’assumer un peu plus sa souveraineté.

Voilà selon moi les points fondateurs d’un jeûne réalisé dans des conditions optimales : l’individualisation, la motivation, le lâcher-prise, le soin accordé à la préparation et à la reprise alimentaire, avec, au cours du jeûne, un programme adapté et soutenant.
Nous avons considéré jusque là le jeûne essentiellement du point du vue du plan physique. Dans le troisième et dernier article consacré au jeûne, je partagerai avec vous ma vision d’un jeûne holistique qui ne s’adresserait pas seulement au corps mais à toutes les dimensions de l’être.
Vous souhaitez jeûner ? Je vous accompagne, en individuel ou en groupe à l’occasion d’un stage. Vous en saurez plus ici.
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Crédit photos: Jcomp, Gpointstudio