
Ménopause et transformation intérieure : une vision holistique (3/3) Deuxième partie
La ménopause est une expérience partagée par toutes les femmes. Selon la culture cependant, sa reconnaissance et son vécu seront différents.
J’ai évoqué dans la première partie de cet article la compréhension physiologique de la ménopause et les ressources précieuses de l’hygiène de vie. Ici, j’élargis la perspective pour appréhender la ménopause de manière holistique : en fonction du regard que nous posons sur elle, quelles émotions, sentiments, états intérieurs fait-elle émerger ? Et si un regard différent permettait qu’elle soit vécue plus harmonieusement ?
Comprendre la ménopause autrement
On évoque régulièrement la ménopause dans son vécu corporel, en particulier lorsque celui-ci est désagréable. Et la perspective va rarement au-delà. Pourtant, cette transition concerne la femme dans tout son être, et même dans son essence.
Le passage de la ménopause est une transition de vie : remise en question de son identité, de sa posture dans la famille, dans la société, réappropriation de son énergie créatrice…
Entre universalité et singularité
Toutes les femmes, de tous temps et dans tous les endroits du monde, sont appelées à vivre la cessation de leur cycle menstruel. Il y a peu de vécus aussi universels.
Aussi, la première clé pour vivre la ménopause harmonieusement est l’acceptation. Accepter ce passage et les perturbations qu’il occasionne – les transitions sont rarement confortables. Accepter d’entrer dans la maturité de sa vie malgré la culture du « jeunisme » prônée par la société. Accepter de changer et assumer ce changement en remettant à plat ses valeurs, ses choix, ses priorités. La ménopause est une opportunité formidable pour se reconnecter à son être véritable : pas celui qui a répondu aux injonctions archaïques (procréation et survie de l’espèce), familiales, professionnelles, culturelles ; pas celui qui s’est mis en retrait, qui s’est oublié pour s’occuper des autres (en premier lieu les enfants, mais aussi tous les enfants symboliques, toutes les personnes ou projets qui ont demandé à être maternés). L’être véritable, essentiel, qui porte son élan de vie et ses talents uniques, peut à la faveur de cette transition, quand elle est vécue consciemment et en profondeur, capitaliser la somme des expériences vécues, des ressources éprouvées et déployer une sagesse nouvelle, une intuition et une perception sensible libérées des conditionnements, une créativité inédite.
La deuxième clé serait de se donner du temps, de l’attention, prendre soin de soi. Ralentir son rythme. Sortir de l’assujettissement aux résultats, aux performances, à l’activisme (faire encore et toujours !) pour entrer dans un processus de transformation intérieure. Se fermer au monde pour s’ouvrir à soi. Se donner de régénérer ses terres intérieures par une jachère extérieure.
Tout au long de la périménopause, la femme voit sa sensibilité exacerbée. Ses canaux perceptifs sont grands ouverts, souvent plus qu’ils ne l’ont jamais été. Il est alors temps de se mettre vraiment à l’écoute de cette intériorité qui peut tout à coup devenir déstabilisante. Car cette sensibilité, cette vulnérabilité est un vrai cadeau. Ici les signaux corporels et autres désagréments deviennent des balises sur le chemin ; ils signalent l’attention et la présence que le corps appelle, ils indiquent les limites dépassées ou ignorées, le respect de soi bafoué. Ils peuvent réellement devenir des guides sur ce chemin de transformation intérieure.
Il est probable que ce processus soit mal accueilli car il est généralement ignoré ou incompris. Il est pourtant incontournable pour naître à sa pleine puissance d’être, qui ne se manifestera pas par des exploits extérieurs mais par une souveraineté intérieure reconquise.
Une saison symbolique : l’automne de la vie
« L’automne est une seconde floraison. » — Albert Camus
Enfin, le passage qui se vit à l’occasion de la ménopause invite à « clôturer les vieux dossiers », les traumatismes, les blessures de l’histoire de vie, les accidents de parcours… Quelle pacification reste à apporter ? Quelle résilience à naître ?
Symboliquement, la ménopause correspond à l’entrée dans l’automne de sa vie. L’automne, saison d’abondance et de bilan : quelles moissons engranger ? quelles vendanges offrir à l’alchimie intérieure, source du précieux nectar qui pourra s’écouler d’un cœur en plénitude ? Mais aussi : quelles branches mortes appellent à être élaguées ? quelles mémoires clarifier, pacifier, harmoniser ? La ménopause est véritablement l’occasion de donner de l’attention et du soin à ces sujets sensibles, déstabilisants, ceux qui nous font encore réagir et nous affectent, ces expériences que nous n’avons pas eu la ressource d’embrasser pleinement lorsque nous les avons vécues. Pouvons-nous simplement les accepter, en reconnaître la valeur et l’enseignement, nous donner de l’amour à cet endroit et être en gratitude de les avoir traversées ? C’est un chemin sensible et délicat, parfois (souvent) plus facile à emprunter accompagné.
Ressources subtiles pour traverser ce passage
Les huiles essentielles, à travers leurs parfums en particulier, et les sons seront par exemple des ressources précieuses pour accompagner ce passage initiatique, parfois chaotique, avec plus de confiance et de sérénité. Vous pourrez choisir en particulier l’huile essentielle de camomille romaine, de sauge sclarée, de fragonia ou de nard de l’Himalaya.
Les élixirs floraux du Dr Bach comptent aussi parmi les ressources soutenantes pour amener de la conscience dans cette traversée : walnut et honey suckle favorisent les passages, wild rose accompagne les moments de spleen, par exemple.
De l’intime au collectif
La ménopause constitue un passage individuel, qui appelle à être vécu dans son intériorité ; en même temps, il implique un changement de statut social qui bénéficierait d’une reconnaissance collective. Nos sociétés modernes sont malheureusement cruellement dépourvues de rites de passage et souffrent d’une idéologie marquée par la peur du vieillissement et de la mort qui tend à masquer tout ce qui pourrait rappeler ces fâcheuses échéances. Ce qui est bien illusoire, convenons-en.
La ménopause est une invitation pour nous, femmes, à nous reconnaître dans notre multiplicité en sortant de la fonction de génitrice et des rôles de mère et gardienne du foyer associés et institutionnalisés. Malgré toutes les luttes féministes et les avancés législatives, la femme n’accède pas encore au niveau collectif à un statut qui reconnaît non pas son égalité aux hommes mais sa spécificité et sa puissance. Puissance issue de son utérus, puissance inouïe si l’on considère qu’elle est capable de façonner la vie, puissance à laquelle il est possible (souhaitable) de se reconnecter à l’occasion de la ménopause justement, pour la reconnaître et choisir où la diriger et au service de quoi la mobiliser.
La ménopause c’est justement ce moment, ultime, pour recontacter son entièreté et l’assumer (si tant est que cela n’ait pas été le cas avant – ce qui concerne la plupart des femmes qui vivent coupées de leur cycle menstruel et ainsi de leur énergie créative et de leur puissance).
Dans les sociétés traditionnelles, vieillesse rime avec sagesse. Les anciens sont respectés, consultés, écoutés ; ils sont porteurs des valeurs et principes fondateurs de la culture et garants de leur continuité.
Chez nous, les seniors sont mis à l’écart. Qui les écoute ? Qui les consulte ? Qui, seulement, considère la possibilité de vieillir en santé et en pleine possession de ses capacités, aussi bien physiques que cognitives ? Qui encore envisage de contribuer de manière essentielle au collectif une fois désinvesti de la vie active ?
La ménopause n’est pas une maladie ni l’entrée dans la décrépitude. Et nous pouvons justement mobiliser notre puissante énergie créative pour l’accompagner et créer les célébrations et rituels que nous n’avons plus. Et pour nous demander : qu’ai-je à transmettre ? Où et comment puis-je contribuer ?
Toute fin porte en elle un nouveau commencement, toute mort, une renaissance. La ménopause constitue un appel à se réinventer et à accueillir une maturité nouvelle. Elle peut devenir le théâtre d’une forme de révélation, à la fois de l’état de son organisme et de ses capacités adaptatives, mais encore de la puissante énergie créative qui nous habite, depuis toujours. Avec l’invitation à contacter cette puissance et à s’en saisir pour la mettre au service du vivant, bien au-delà de soi. Allégée des cycles de la procréation, la femme peut alors exprimer et partager pleinement le fruit de son expérience et sa vision éclairée par la maturité.